Aller au contenu

La Séparation des Corps

La prise en charge des personnes âgées et de la fin de vie en règle générale est un problème récurrent en France et dans de nombreux autres pays. En effet, nous vivons dans des sociétés qui glorifient la jeunesse et remisent sous le tapis leurs vieux, citoyens de troisième zone devenus mains-d’œuvre inutiles. La vieillesse, et la mort qui en est l’issue, nous terrifient tant que nous sommes paralysés à l’idée même d’en parler, des fois qu’elle pense à nous au moment où nous pensons à elle… Dans un tel contexte, quelles sont les chances pour que notre vie finisse bien ?

Il y a quelques années, ma grand-mère a vécu ses dernières années dans un EHPAD et, dès son arrivée, ma mère a constaté de nombreuses négligences avérées : manque de personnel, personnel peu motivé par manque de temps et de rémunération, problèmes d’hygiène récurrents, des résidents qui ne pouvaient pas se déplacer laissés à l’abandon dans leur chambre des journées entières… Ma mère a rencontré la Directrice de l’établissement à plusieurs reprises pour se plaindre, a écrit, mais rien n’a jamais changé. A la même période, de nombreux scandales ont éclaté autour de la maltraitance dans ces établissements de fin de vie – les gens qui y sont placés n’y survivent pas plus de 2 ans selon les statistiques nationales – qu’ils soient publics ou privés dont celui dénoncé dans l’édifiant livre “Les Fossoyeurs” du journaliste Victor Castanet.

Il y a quelques jours, mon mari a croisé un ami qu’il avait perdu de vue depuis plusieurs années et celui-ci lui a raconté que, pendant une décennie, il avait été commercial auprès des Maisons de Retraites pour leur proposer du matériel et des services de bien-être pour les résidents de leurs établissements. Il a fini par jeter l’éponge, fatigué de ne recevoir que des réponses négatives liées à une ligne comptable, celles des bénéfices, au détriment du confort des personnes concernées. Dégoûté du peu de cas qu’on faisait de ces êtres humains qui étaient à l’origine desdits bénéfices, il a décidé de monter une structure qui travaille, en amont et sur le long terme, au maintien à domicile des personnes âgées en leur proposant des solutions de bien-être et de prise en charge adaptées qui ne coûtent généralement pas plus cher mensuellement qu’un EHPAD et c’est probablement ce genre de solutions que les pouvoirs publics devraient encourager, notamment par la voie de défiscalisation et de subventions.

Néanmoins, le réel problème sous-jacent m’a littéralement sauté aux yeux quand j’ai lu une interview de Sandrine Bonnaire qui dénonçait les conditions épouvantables dans lesquelles sa maman était morte au sein d’un EHPAD : “On abandonne nos vieux, on ne les respecte pas” s’insurgeait-elle. Et c’est en lisant cette phrase que j’ai compris que tant que nous conserverions cette vision ostracisée de la vieillesse, rien ne pouvait changer.
En effet, tant que nous considérerons la vieillesse comme un concept extérieur à nous-même – “nos vieux” – il sera insoluble. Qui a envie de se préoccuper du sort d’une personne qui lui est totalement étrangère ? Mais, les personnes âgées ne sont pas une engeance à part ! Au lieu de nous préoccuper de comment nous traitons “nos vieux” – nos seniors comme les politiquement corrects les ont rebaptisés comme si la vieillesse était une insulte ou un gros mot, tout en continuant à les laisser succomber dans des mouroirs indignes – nous devons nous préoccuper de comment NOUS allons être pris en charge quand NOUS atteindrons l’âge de la dépendance si nous l’atteignons un jour. Après tout, que sommes-nous si nous ne sommes pas tous des vieux en sursis ?

De la même façon, quand nous voyons des enfants jouer et faire du bruit en bas de chez nous alors que nous aurions bien besoin d’un peu de calme après une journée harassante, au lieu de pester contre eux et leurs parents qui feraient mieux de s’en occuper plutôt que de les laisser livrer à eux-mêmes dans la rue, faisons un effort de mémoire pour nous souvenir quels jeux nous aimions lorsque nous avions leur âge et le sentiment de liberté que nous apportait le fait de courir et de crier à pleins poumons. Les jours de frustrations, crions à nouveau comme un enfant pour évacuer le trop-plein d’énergie ou chantons à tue-tête à en perdre la voix – pas trop longtemps non plus pour ne pas décoller les tympans des voisins ou déstabiliser le climat -, cela nous reconnectera avec cet enfant qui vit toujours à l’intérieur de nous et qui est certainement porteur de bien plus de sagesse que l’adulte que nous sommes devenu.

Nos sociétés sont bâties sur le mode de la séparation : les enfants, les adolescents, les jeunes, les adultes, les vieux mais aussi les hétéros, les gays, les handicapés, les blancs, les noirs, les asiatiques, les animaux, les minéraux, les plantes… Nous vivons tous côte à côte, mais certainement pas ensemble, et on peut légitimement se poser la question de savoir si nous vivons vraiment tous sur la même planète : Nous considérons-nous réellement tous comme des êtres humains au sein du règne animal accueillis avec bienveillance par une nature prodigue et vraiment pas rancunière ?

Si nous suivons les théories et découvertes de la Physique Quantique depuis plus d’un siècle, nous vivons tous au sein d’un champs quantique qui nous relie les uns aux autres : là où nous voyons de l’air, du vide, cet espace est en fait un champs unifié d’atomes et de molécules dans lequel nous évoluons, tous en contact les uns avec les autres, comme si une grande couverture invisible nous enveloppait tous. La séparation sur le plan quantique n’existe pas, il s’agit juste d’une illusion projetée par nos sens limités, incapables de percevoir cet univers microscopique.

Mais nos sociétés, depuis plus d’un siècle, nous ont individualisés à l’extrême : “diviser pour mieux régner” étant probablement la devise préférée de nos dirigeants et chefs religieux à travers les âges. Ce phénomène d’individualisation s’est accéléré avec la concentration des populations dans les grandes villes due à l’avènement de l’industrie et de sa globalisation, puis, évidemment, avec l’arrivée des écrans dans nos vies. La pandémie qui aurait dû nous souder, nous rendre solidaires les uns des autres face au danger et au malheur, nous a finalement divisés un peu plus autour de la question de la vaccination.
Tant que seul le profit et le concept du “toujours plus” régneront sur nos vies, nos EHPAD, notre système hospitalier et tout notre système social continueront à se déliter. Alors nous reste-t-il suffisamment d’amour et de compassion à titre individuel pour renverser la vapeur ?

Souvent, quand nous aimons quelqu’un, nous le traitons comme nous souhaiterions être traité par la personne qui nous aime. Alors, ne serait-il pas judicieux d’envisager les soins aux malades ou la prise en charge des personnes âgées de la même façon ? Que chaque personne en charge d’un EHPAD ou qui y travaille le fasse comme si c’était elle qui y était soignée et prise en charge ? Parce que ce sera peut-être un jour le cas et qu’il sera alors trop tard pour avoir des regrets… Je sais que les conditions de travail y sont souvent très compliquées faute de moyens, mais ne sommes-nous pas là pour donner la meilleure version de nous-mêmes en toute circonstance, surtout dans les métiers d’aide à la personne ?

Il en va de même pour les législateurs ou les gouvernants ; j’ai une mauvaise nouvelle pour eux : un jour, eux aussi vont devenir vieux ! Alors, d’accord, ils pensent qu’ils auront suffisamment d’argent pour aller dans une clinique privée ou une maison de retraite de luxe mais, en sont-il vraiment certains ? Et, si oui, est-ce que ce sera également le cas pour leurs frères et sœurs, leurs amis, leurs enfants et petit-enfants ?…

Dans nos sociétés de consommation galopante où tout est jetable, remplaçable, nous travaillons toujours plus pour consommer toujours plus, sans jamais nous interroger sur le moment où nous avons juste suffisamment, où le plus devient trop, écrasant, nocif pour nous et notre environnement. Dans cette course financière effrénée, malgré les progrès, ou peut-être à cause de ceux-ci, l’être humain est lui aussi devenu un produit de consommation jetable, remplaçable, pour les multi-nationales et leurs actionnaires accros aux profits. En continuant à consommer toujours plus, nous nous rendons les complices consentants d’un système dont nous sommes devenus les esclaves en fabriquant nos propres entraves.

Quand avons-nous pour la dernière fois regarder notre bonne vieille planète avec amour et admiration pour toute sa beauté et sa sagesse, comme nous regarderions avec bienveillance notre mamie qui, années après années, nous accueillait avec amour pour les vacances ? Si nous poussons l’analogie plus loin sur notre comportement général, si notre planète est notre grand-mère, nous la retenons actuellement en otage attachée à une chaise et sommes en train de la torturer pour qu’elle nous dise où elle a caché ses dernières économies avant de l’envoyer mourir dans un EHPAD !

Pour ceux qui préfèrent lire à tête reposée ou qui ont du mal à lire sur fond noir, n’hésitez pas à télécharger le PDF de cet article en cliquant sur le bouton ci-dessous.

 

Deux femmes qui s'embrassent

Le Wokisme

Nos contenus sont-ils vraiment aussi inclusifs que nous le pensons ?

La Solidarité

La Civilisation

Sommes-nous toujours un peuple civilisé ?

Les Migrants

L'Autre

Pourquoi la différence chez l'autre nous fait-elle si peur ?

Géraldine Claudel

Besoin d’être guidé ?

N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

RSS
Follow by Email
WhatsApp